Page:Bonaparte - Un mois en Afrique, 1850.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vers le sud, le pays, d’abord ondulé et encore couvert de quelque végétation, se montre tout à coup abrupte, stérile et montagneux. On arrive ensuite à un défilé rocailleux qui aboutit au passage d’El-Kantara, où une petite rivière torrentielle s’ouvre une étroite issue entre deux hautes montagnes d’une pierre rougeâtre, sombres, dépouillées et taillées à pic. C’est sur ce cours d’eau, au lit profondément encaissé, qu’est jeté un pont de construction romaine, dont la solidité a bravé le temps et les crues, et donné un nom à la localité, car El-Kantara en arabe veut dire le pont. A la sortie de ce passage, le regard, fatigué de s’arrêter sur les roches décharnées qui l’enserrent, est frappé d’un spectacle magique ; un vaste horizon apparaît sans transition, et au débouché même du défilé, une verte oasis de palmiers offre ses ombrages et ses fruits, tandis qu’au delà, comme en deçà, le sol est infertile et escarpé.

Ici, je dus remarquer que, malgré leur bravoure et leur fanatisme, les Arabes ne savent pas toujours profiter des avantages du terrain. Il est certain que, dans tout autre pays de montagnes, en Corse, en Grèce, en Catalogne ou dans le Tyrol, une poignée de tireurs eût suffi pour disputer le passage même à des forces considérables, et sans convoi, dans une gorge aussi bien disposée pour la guerre de chicane.

M. le capitaine Vivensang, qui était venu à notre rencontre, nous conduisit où campaient ses chasseurs. Les deux détachements réunis, nous disposions d’une soixantaine de sabres, qui, en rase campagne, valaient au moins, comme on sait, et comme on verra par la suite, un nombre décuple d’Arabes.