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Canadiennes d’hier

vous en pour demain ; je n’ai pas encore fini de vous entretenir de mes petites affaires.

Apprenez que nous avons été invités, papa et moi, à aller passer la semaine de Pâques à Montréal et que nous avons décliné l’invitation. Papa a donné comme raison qu’il souffre de rhumatisme et moi, que je ne veux pas le quitter quand il est malade. Je vous dirai que ses douleurs lui laissent beaucoup de répit. Ma vraie raison, à moi, de ne pas vouloir m’éloigner de Québec en ce moment, c’est que je ne veux pas ajouter soixante lieues à la distance déjà trop grande qui me sépare du pays de mon âme.

Hélène est dans la jubilation et voudrait nous faire partager son bonheur. Elle attend la visite d’un Académicien, conférencier de l’Alliance française. Je croyais qu’elle était rassasiée « d’immortalité » depuis le Congrès de la langue française, l’été dernier ; mais non, elle en redemande. J’y pense, gros’maman, on aurait dû conduire M. René Bazin chez vous quand on l’a promené à travers la province, puisqu’on voulait absolument l’épater. Il aurait vu une belle vieille dame qui trouve le moyen, tout en étant profondément Canadienne, d’être Française de cœur, d’esprit et de manières, et il aurait ajouté un paragraphe enthousiaste à son sympathique et indulgent compte-rendu de la « Mission française au Canada », paru, l’automne dernier, dans la Revue des Deux-Mondes.

Tous les hommes éminents venus à Montréal depuis dix ans ont au moins passé par le salon de Mme Berti, quand ils ne sont pas devenus ses hôtes

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