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Canadiennes d’hier

surtout quand il se sentira aimé ? Je suis sûre que vous plaisez aussi à ses parents. Mais la « terre » sera présente aux arrangements et elle est jalouse ; elle se méfiera de la jeune fille élevée trop délicatement et craindra d’être négligée ou abandonnée. Auguste Leclerc est cultivateur dans l’âme, conscient et content de l’être. Il n’a pas toujours été de la Croix de saint Louis, mais il a toujours eu le sentiment très vif de son devoir envers le bien paternel. Quand venait le temps des labours, il était à son poste ; quand les foins étaient bons à faucher, le dix juillet, il n’attendait pas la fête de la bonne sainte Anne pour commencer de les faire. Levé avant le soleil, il travaillait au clair de la lune et des étoiles, s’il le fallait, tant que la dernière gerbe n’était pas engrangée, le dernier minot de patates entré dans la cave. À l’heure qu’il est, non seulement il conserve la direction des travaux, mais il veut encore mettre la main à la besogne, malgré son âge et ses rhumatismes. Chaque printemps, régulièrement, il se donne un tour de rein parce qu’il se force à ouvrir la saison lui-même, à labourer au moins les premières planches. C’est à cause de cet attachement au sol qu’il n’a pas hésité à retirer Jean du collège quand il a cru que l’intérêt de sa terre l’exigeait ; et c’est parce que Jean chasse de race qu’il s’est conformé de si bonne grâce à la décision paternelle. Prions saint Isidore, ma petite fille ; c’est lui qu’il faut amadouer.

Je vous ai dit que Auguste Leclerc a des défauts… qui n’en a pas ? Je ne veux pas que vous ayez des doutes sur son honorabilité. Bon catholi-

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