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Canadiennes d’hier

ditations. J’ai fait mon possible pour qu’elles soient agréables.

Votre veuve Tessier

Mme Tessier à Mlle Sylvie Carrière
St-Jean-Port-Joli, 27 avril 1913

Aujourd’hui, dimanche, chère Sylvie, dix minutes avant la grand’messe, j’ai reçu la visite inattendue d’un jeune monsieur aux yeux clairs, au teint hâlé par le grand air et le soleil du printemps. Descendu ce matin même au petit jour des hauteurs de St-Aubert, il est venu à pied sur la croûte. — en bottes malouines parce que les chemins sont défoncés, — m’apporter, toute fraîche faite et délicieuse à voir dans son « casseau » d’écorce, sa dernière tire de la saison. En outre : une petite maison, un gros cœur, des cornets, gros, moyens et petits, de beau sucre doré, en échantillon, m’a-t-il dit, de son savoir-faire en matière de sucreries.

Je l’ai remercié de sa gentillesse, mais j’ai dû lui avouer que j’ai acheté de la tire, justement hier, et que, malgré notre gourmandise, il nous serait impossible de la manger toute avant qu’elle tourne en sucre. Il a penché la tête sans rien dire. Comme le dernier coup de la messe sonnait, en se levant pour partir, il m’a annoncé qu’il irait à Québec, mardi ou mercredi de cette semaine, essayer de vendre sa récolte de sucre aux hôtels ou aux épiceries de la ville.

Je ne me suis pas rendu compte, tout de suite, que l’occasion s’offrait à moi d’être l’instrument

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