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Canadiennes d’hier

d’autant plus que son père ne la laissera certainement pas partir les mains vides. Elle apportera en ménage un peu plus que le lit garni hors les rideaux, le coffre, la chaise berçante et le rouet traditionnels. »

Il s’est mis à rire en montrant toutes ses belles dents, puis il a dit, avec un air modeste bien joli à voir dans le visage d’un aussi beau gars :

« Vous parlez comme si vous saviez qu’elle voudra de moi. »

J’ai répondu :

« Je ne peux pas m’empêcher de penser que vous êtes pour beaucoup dans son grand enthousiasme pour St-Jean-Port-Joli. Quand j’ai appris qu’elle a refusé d’aller à Montréal, à Pâques, pour ne pas ajouter soixante lieues à la distance qui la sépare du pays de son âme, j’ai compris. L’attachement au pays des ancêtres, l’affection pour les vieilles amies, ça n’empêche pas d’aller se promener à Montréal. J’ai reconnu, à ce trait, le petit dieu malin.

Dans votre excessive humilité, vous croyez peut-être que Sylvie doit préférer à vous l’un des jeunes gens qu’elle a rencontrés ici, à Noël : le petit Josime Bédail, par exemple, qui chante du nez, ou bien Lauréat Sansfaçon dit trousse-culotte, qui a un si joli sobriquet, ou encore Tit’Zim à Cabas André Lolotte qui porte les prénoms et surnoms de quatre générations de Dubé… Soyez de bon compte, Jean. Vous avez dû voir, aux allusions et aux taquineries qu’on ne vous a pas ménagées, que personne ne s’y trompe puisque vos meilleurs amis

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