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Canadiennes d’hier

de penser que sa « petite dernière » puisse songer à l’amour. Cependant, depuis la visite de mon cher Jean, il se fait un travail dans son esprit. Il a parlé de lui à plusieurs reprises. Une fois, il a dit :

« Sais-tu que ce jeune Leclerc est extrêmement bien doué ? il devrait aller étudier le chant à Paris. S’il voulait travailler sérieusement, il ne tarderait pas à se faire un nom et, avec sa prestance, il aurait du succès. »

Oui, je veux bien le croire ; mais, précisément parce que Jean est si bien doué, je préfère qu’il demeure à St-Jean-Port-Joli. Un bon cultivateur est plus utile à la société qu’un beau chanteur d’opéra et sa femme a moins de sujets d’inquiétude. Je ne serais pas rassurée, même si je devais l’épouser avant son départ et le suivre comme son ombre dans la Ville-Lumière ; et que deviendrais-je s’il devait être accueilli, à son retour, aussi chaleureusement que certains chanteurs étrangers !

Papa s’est reproché de ne lui avoir pas offert l’hospitalité l’autre soir, quand il avait sûrement retardé son retour à St-Jean pour nous apporter « sa », votre bonne tire. C’eût été plus poli ; malheureusement, il est un peu tard pour y songer. Je n’avais pas attendu d’avoir fini de manger la tire, moi, pour me demander si mon Jean a des parents à la ville ou s’il a été obligé d’aller à l’hôtel. Vous ne m’avez pas éclairée sur ce point, il vous faudra combler les lacunes de votre compte-rendu.

Je ne peux plus vivre sans m’occuper de lui continuellement ; il faut que je sache tout ce qui le concerne. J’espère que la vivacité de mes sentiments

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