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Canadiennes d’hier

dinaires de ma lettre et son apparence protocolaire ont dû vous causer. Le papier de Pauline est si raide que je n’ai pas réussi à le plier au format de mes enveloppes habituelles. Cette préparation, toute désagréable qu’elle est, a, je l’espère, amoindri l’impression pénible créée par le contenu de la grande enveloppe, par cette mise en demeure, cette prière faite sur un ton de commandement. J’ai hésité pendant plusieurs jours avant de vous en faire part ; si je m’y suis décidée, c’est que je veux ne vous rien cacher. Je vous conjure de n’en tenir aucun compte. La demoiselle est à pic, mais ses petites leçons ne me font pas peur : ma conscience est en paix. Tout ce que je peux faire, c’est de ne pas avertir Jean de son immixtion dans ses affaires de cœur et si je m’en abstiens, c’est moins par égard pour elle que par crainte de mettre la brouille entre deux familles qui ont des clôtures et des fosses mitoyens et qui se sont toujours bien entendues jusqu’ici.

Notre Jean ne se doute pas encore de la sollicitude que lui-même et son beau bien de famille inspirent à l’impérieuse Pauline : elle n’a pas fait son apparition dans le pays jusqu’à présent. Dimanche, il est venu renouveler sa provision d’espérance et m’a demandé si vous profiterez de la fête de la Confédération pour fuir la ville ou si vous retarderez votre venue de quelques jours. J’ai répondu que votre dernière lettre ne précisait pas vos intentions et j’ai ajouté :

« Pourquoi n’écrivez-vous pas à Sylvie pour vous en informer ? Je suis sûre qu’elle s’empressera de vous renseigner. »

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