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Canadiennes d’hier

lée par la nouvelle de votre reculade. J’ai eu beau dire et redire que ce n’est pas votre faute, que vous en souffrez plus que tout autre, le ciel de ses yeux s’est couvert de nuages. Je répétais : c’est un gros désappointement pour Sylvie que ce retard, elle était si impatiente de revoir St-Jean et nous tous, vous surtout, Jean, vous plus que tous les autres, elle n’a pas pu changer d’idée si vite, il a dit :

« C’est encore drôle, si elle a parlé de moi à ses amies de la ville… tenez, à sa sœur la grosse dame de Montréal seulement, elle a dû faire rire d’elle. Songez donc, une jeune fille de la société s’intéresser à un campagnard, un habitant, et du « bas-de-Québec » par-dessus le marché, c’est le comble du ridicule ! »

Ce n’est pas lui qui m’a parlé des agissements de Pauline, c’est la bonne femme Cocotte.

Nous avons eu les Quarante-Heures la semaine dernière, la bonne femme est venue à confesse vendredi dans l’après-midi et, en revenant de l’église, elle a rattrapé Alice au moment où celle-ci entrait à la maison. Je venais de la voir passer et je croyais bien qu’elle avait continué tout droit lorsque je l’ai entendue jaspiner dans la cuisine. L’instant d’après, elle paraissait à la porte de la salle en s’annonçant :

« C’est la mère Suplien Gobeil, mame Tessier, qui vient vous donner le bonjour en passant. Je me suis ennuyée des gens du faubourg depuis trois mois, pensez-y. Je suis venue de la demi-lieue juste pour entendre la messe du dimanche et, pour bien dire, en courant. J’veux pas être longtemps, mais

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