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Canadiennes d’hier

j’peux toujours m’assire un p’tit brin. » Sans en attendre la permission et sans interrompre son discours, elle s’installait en face de moi, étalait ses jupes et dénouait les brides de son « chapeau à bec ».

— Je suis moins captive que je l’ai été tout le printemps : d’abord Mlle Louise va et vient dans la maison, j’ai pas besoin de me tenir aux aguets. Surtout depuis que Mlle Bellanger, l’institutrice, est arrivée chez ses parents pour les vacances, j’ai du temps a moi. Elle vient souvent faire son petit tour. Mlle Louise est contente de la voir ; c’est une compagnie pour elle et la demoiselle lui rend toutes sortes de petits services. Quand elle a tombé malade, Mlle Louise, le gros du ménage de printemps était fait mais il restait encore bien des choses à terminer. Vous savez ce que c’est : laver et repasser les dessus de commodes, les rideaux de châssis « ecetera »… Moi, j’allais au plus pressé et j’en avais tout mon raide, le reste… marche ! La demoiselle s’y est mise tout de suite la première journée, elle a arrangé tout ça au goût de Mlle Louise. Les papiers bleus des châssis sur le devant et les côtés de la maison sont roulés à la hauteur qui lui plaît, tous les petits glands pendent de la même façon, pas un qui dépasse l’autre. Les rideaux de jaconas ont été repassés en surplis comme du temps de la grand’mère Leclerc.

La petite sorcière sait s’y prendre pour se faire aimer : Je vous dis qu’elle a fait un gros plaisir aux hommes de la maison au commencement de la semaine. Depuis betôt trois mois on mangeait le pain d’Alph. Abet, le boulanger du faubourg.

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