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Canadiennes d’hier

écarter entièrement, du moins à refouler ces réflexions à la Desbordes-Valmore et je m’étais bien promis de ne plus vous en parler. Et alors ? D’où vient qu’aujourd’hui je sorte de ma réserve après en avoir reconnu l’avantage ? Pourquoi cette revue de mes déceptions, inquiétudes et chagrins de famille ? C’est afin de vous préparer à un événement de peu d’importance mais qui se rattache, en quelque sorte, à ce que je viens d’écrire.

Vous ne serez pas trop surprise, je l’espère, si je vous annonce sans autre préambule que je m’embarquerai pour la France, via l’Angleterre, après-demain, jeudi, avec sept de mes compagnes, à destination de l’hôpital de Saint-Cloud. Je n’entre pas dans les détails de notre organisation, vous les connaîtrez par les journaux. Vous y verrez même une photogravure de notre groupe.

J’arrive de Montréal où je suis allée faire mes adieux et régler définitivement avec mon beau-frère nos affaires de famille. Notre maison des remparts, comme un temple de la Paix, restera fermée jusqu’à la fin de la guerre.

Ma vieille Cati est en pension depuis trois semaines, chemin Ste-Foye, chez nos bonnes sœurs de St-Joseph de St-Vallier, St-Jean-Port-Joli et autres lieux. Elle est aussi heureuse qu’elle peut l’être ici-bas. Depuis la mort de « monsieur Jacques », elle ne pense plus qu’à l’autre monde et la nouvelle de mon départ ne l’a pas affectée outre mesure. Quand j’ai été la voir, hier après-midi, un salut du Saint-Sacrement sonnait à la chapelle comme j’entrais dans le couvent. Ma Cati est

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