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Canadiennes d’hier

venue au parloir, son voile noir sur la tête et n’a pas caché sa contrariété… ni sa satisfaction quand j’ai écourté ma visite pour lui permettre d’assister à l’office.

La traversée m’effraie un peu ; je me soupçonne de ne pas avoir le pied marin. Les éléments me paraissent plus redoutables que les Allemands. La flotte anglaise va me préserver des sous-marins, mais pas du mal de mer.

S’il fait beau, jeudi après-midi, chère gros’maman, peut-être irez-vous, vers cinq heures, avec Alice, Régina ou votre vieux garçon, sur le bord de la côte, voir filer, à trois lieues au large, la fumée noire et le sillage blanc du « Métagama ». Quand il passera entre le Pilier et l’île aux Coudres. votre petite Sylvie tendra toute sa pensée et tout son cœur vers vous et St-Jean-Port-Joli.

J’ai eu envie d’aller vous embrasser avant de partir, chère et précieuse amie. Dans ce geste filial, j’aurais mis toute l’affection, toute la reconnaissance que des mots ne sauraient exprimer. Je me prive de ce bonheur pour nous épargner, à toutes deux, des émotions trop fortes. Votre santé en aurait souffert peut-être et garde Carrière a besoin de tout son sang-froid.


1918
Mlle Régina Dumas à Mlle Sylvie Carrière
St-Jean-Port-Joli, 25 novembre 1918.
Chère mademoiselle Sylvie,

On n’osait pas croire à la bonne nouvelle de l’armistice. Ça paraissait trop beau pour être vrai,

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