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Canadiennes d’hier

me reporter. Je croirai entendre la voix merveilleuse « du plus joli garçon de la province de Québec ». C’est un beau souvenir à conserver, n’est-ce pas, au fond d’un cœur de vieille fille ?

Cette nuit, vous me croirez sans peine, je ne ferai partie d’aucune bande joyeuse qui réveillonnera et dansera dans un restaurant pour oublier le cauchemar de la guerre. Mes deuils et mes déboires sentimentaux aidant, je résiste sans effort à l’appel du turkey trot ou du tango.

Quand vous recevrez ma lettre, je serai en route pour le Levant. Priez Dieu que j’en revienne.

Il ne me reste plus, ma chère Régina, qu’à vous souhaiter, ainsi qu’à Alice et à M. Dumas, une bonne et heureuse année et, à la canadienne, le paradis à la fin de vos jours.

Sylvie

P. S. — Je ne crains pas vos taquineries, chère amie, elles ne peuvent pas être sottes ni méchantes. Dieu veuille que j’aie assez profité de mon séjour en France pour qu’on s’en aperçoive à mon accent et à la correction de mon langage.


1920
Mlle Sylvie Carrière à Mlle Régina Dumas
Montréal, 8 juin 1920

Chère amie, mes chers amis, je suis de retour au pays depuis quelques jours et tout attristée de m’y sentir étrangère. Oh ! mes parents se sont montrés aimables, mais on dirait qu’ils ont peine à me re-

198