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Canadiennes d’hier

Mettez-vous à ma place, chère demoiselle, auriez-vous été contente qu’on dispose de vous sans vous consulter ? Ces affaires-là on aime toujours mieux les faire soi-même. Après le premier mouvement d’humeur, j’ai apiqué. Après tout, Daniel me vaut bien, il est comme tous mes parents fils de cultivateur, ce n’est pas sa faute s’il est le neuvième garçon d’une famille de quinze enfants et s’il a été obligé jusqu’à présent de travailler à gages. Ça ne lui enlève pas ses qualités.

J’ai fait mon année de veuvage comme il faut ; on n’a pas avancé le service anniversaire de mon premier mari pour hâter mon mariage avec le second. Le matin de mes noces, j’avais le cœur gros, mais ma tristesse s’est évadée dans le courant de la journée. Mon Daniel ne méritait pas que je gâte son bonheur, il était trop bon garçon pour ça.

Depuis que mon petit Jean-Auguste et ma petite Louise vont à l’école, je redeviens institutrice, par les soirs, pour les aider à faire leurs devoirs et j’ai un troisième élève qui apprend à écrire en même temps que les enfants. Il est plus habitué à manier la faux et la hache que le porte-plume, mais il y met beaucoup de bonne volonté et il aime sa maîtresse.

Il est entré en gendre dans la maison, mon Daniel. M. Auguste s’est comporté en bon père de famille. Il a été stipulé, au contrat, que le bien des ancêtres ira à celui des enfants de Jean qui montrera le plus de dispositions pour la culture ; il faut qu’il reste au nom des Leclerc ; mais les autres propriétés. l’argent en banque, les acquêts et conquets,

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