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Canadiennes d’hier

seront partagés également entre les autres enfants. Et, d’après les apparences, il y en aura quelques autres. Le ber[1] ne restera pas longtemps au grenier, je vous en passe un papier : on n’est pas des Américains !

Tout ce que je demande au bon Dieu, c’est qu’il me donne la santé.

Si j’avais besoin de consolation, j’aurais celle d’avoir fait mon devoir envers mes enfants et pareillement envers le bien de famille. Le jour du mariage, chez les habitants, on ne jure pas seulement fidélité à son mari, on la jure, en même temps, à sa terre. Je me suis trouvée à tenir la promesse faite à Jean en épousant Daniel et je me suis libérée, en même temps, d’un remords : celui d’avoir mal agi envers vous, car je suis bien certaine qu’à ma place vous n’auriez pas consenti aux arrangements du père Leclerc : vous auriez préféré plier bagage et aller vivre à la ville avec vos enfants.

D’ailleurs, je ne suis pas prête à dire que ma lettre à Mme Tessier ait changé le cours des événements, mais je n’en ai pas moins regretté de l’avoir envoyée. Je ne sais pas ce qui m’a poussée, ou qui m’a poussée à le faire… ce ne peut être que la Providence des cultivateurs.

À présent que Jean est mort, il me semble que ce sera plus facile pour vous de me pardonner : je vous l’ai rendu un peu puisque je suis remariée… et je peux bien vous dire que, dans les premiers

  1. Berceau.
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