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Canadiennes d’hier

loin : Majorique fait le commerce de bois aux Sept-Îles, François est meunier à St-Pamphile, ils ont perdu le tour de mener la charrue et ne voudraient pas se remettre à la culture. J’ai un beau bien qui vient de mes ancêtres, je veux qu’il reste dans la famille. »

Notre Jean, à dix-sept ans, après des succès de collège, s’est mis à la rude besogne de cultivateur. On ne sait pas si le sacrifice lui a coûté beaucoup, il l’a fait si simplement. Il n’est pas exubérant, mais il n’est pas triste. Discrètement, sans lui demander de confidences, sans montrer que je le soupçonne d’avoir quelques regrets, je lui procure des distractions intellectuelles. Il n’est pas le seul, d’ailleurs, à qui je m’intéresse. Joseph Frenette est « petit parent » avec moi, il est l’aîné de vingt-deux enfants et laboure depuis l’âge de douze ans pour aider son père à élever ses vingt et un frères et sœurs. Il n’a pas eu le temps d’aller beaucoup à l’école, celui-là ; il est plus âgé et plus rustique d’apparence que Jean Leclerc, mais il a de l’esprit naturel comme ça se rencontre rarement, et une vivacité de répartie qui me surprend toujours.

À ces deux-là et à quelques autres moins intéressants qui font partie du chœur de chant, à qui nous devons quelque dédommagement pour leur assiduité aux exercices, j’essaie de faire plaisir en leur prêtant des livres et des revues. Je les invite assez souvent à rester après la répétition. On leur donne une tasse de café avec un biscuit, un petit verre de cassis, du sucre à la crème ou bien de la tire de mélasse qu’Alice réussit en la perfection et

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