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Canadiennes d’hier

pâle et de me tenir, à la longue semaine, en indienne rose nanan.

Orgueilleuse, je dissimulais mes peines d’amour et mes blessures d’amour-propre. J’essayais de m’en consoler en cherchant des agates dans le sable, en me baignant dans l’eau glacée du fleuve qui me coupait les jambes, en compagnie de belle-maman ; et, particulièrement, en écrivant le nom du bien-aimé sur tous les rochers de la plage.

J’avais noué au pensionnat des relations agréables et utiles. C’est chez une amie de ce temps-là que j’ai rencontré celui qui devint mon mari deux ans après ma sortie du couvent. André Tessier n’était pas joli garçon comme votre père. Grand, mais trop maigre, il avait le visage long et encadré de favoris bruns tirant sur le roux. Tout jeune, il avait perdu ses parents : deux vieilles tantes de son père l’avaient élevé et l’aimaient tellement qu’elles le trouvaient beau. Je fis de même. D’excellente famille, neveu d’un juge des plus considérés, intelligent et bon, il m’aimait de tout son cœur et il était pour moi un parti inespéré : notaire, je n’ai pas besoin de vous le dire.

Vous aimeriez bien savoir, je suppose, comment ma belle-mère s’acquittait de ses devoirs de surveillante, au temps de mes fiançailles et quel règlement elle avait établi qu’il nous fallait suivre à la lettre.

Mon futur avait la permission de m’accompagner à la promenade, le dimanche. Nous allions généralement en visite chez sa cousine, madame Rivet (la dame nerveuse que vous avez rencontrée chez moi). À l’heure fixée pour le retour, peu

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