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Canadiennes d’hier

chose, va donc chercher du sirop de vinaigre, ou plutôt du vin de rhubarbe, tiens ! »

Puis, entre parenthèses et se tournant de l’autre côté :

« Il ne peut pas vous faire tort, il a été fait à la maison. » Et, — demi-tour à gauche :

« Val’rie, vois donc s’il ne serait pas temps de mettre un peu de charbon dans le poêle », ou bien : « fais donc entrer Azor, je l’entends aboyer depuis un quart d’heure. »

Je me levais docilement pour exécuter ses ordres et, quelques minutes après l’absorption de la drogue, à neuf heures sonnantes, mon fiancé prenait congé, reconduit jusqu’à la porte par belle-maman, sans avoir eu la chance de causer avec moi.

Trois mois avant notre mariage, un bon soir que, comme tous les jeudis à la même heure, j’entr’ouvrais la porte pour faire entrer Azor, un coup de vent la referma violemment sur une patte du pauvre animal qui poussa un hurlement de douleur. En l’entendant, Mme Anctil, plus tendre pour son chien que pour moi, avait couru à la cuisine, hors d’elle-même, s’était jetée à genoux devant son toutou pour examiner la blessure et, dans son angoisse, avait oublié, pour l’instant, ce qu’elle appelait les dictées de sa conscience. Au lieu d’attendre sur place les reproches que je sentais imminents, j’étais retournée vivement au salon où mon fiancé m’avait reçue à bras ouverts. Je m’étais jetée à son cou sans réfléchir à l’inconvenance de ma conduite et Dame !… on s’embrassait, lorsque ma belle-mère, poussant la porte du genou,

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