Page:Bonenfant - Canadiennes d'hier, lettres familières, 1941.djvu/55

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Canadiennes d’hier

plus douce que les autres, même un peu timide ; qu’il s’est emparé de ma valise, très gentiment, qu’il m’a offert sa manche pour me tirer de la foule et me conduire a la salle d’attente ; que là, seulement, j’ai pu apercevoir, entre son grand col et un gros bonnet de loutre, les yeux appréciateurs, le bout du nez expressif et la moustache spirituelle de votre délégué, M. Dumas.

J’ai parlé de l’épais châle noir dont il m’a entortillé la tête ; de Gredin, le cheval fougueux qui dansait sur la neige craquante en faisant tinter ses grelots et qui nous a menés à votre porte en un rien de temps. Je leur ai dit que votre maison irradiait la lumière par toutes ses fenêtres, que votre porte s’est ouverte comme par enchantement, que vous étiez trois à me débarrasser du châle pour me faire voir plus vite vos sourires de bienvenue. Il n’y a pas eu de présentations, je connaissais la maisonnée d’avance ; je savais laquelle était Alice et laquelle, Régina. La chatte semblait avoir entendu parler de moi : à peine étais-je assise qu’elle a sauté sur mes genoux pour me montrer que j’étais de la famille. Nous étions toutes, je crois, un peu surexcitées, mais j’ai conscience d’avoir dépassé les bornes d’une décente loquacité et je reste un peu honteuse d’avoir tant parlé. Je ne m’en suis pas vantée à mes neveux.

Je leur ai fait une description de la messe de minuit à St-Jean-Port-Joli ; cela valait mieux. Je n’ai pas oublié de mentionner les beaux vieux cantiques chantés tout simplement, et cependant de façon inoubliable, par vos élèves.

58