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Canadiennes d’hier

J’ai essayé de prêcher comme le curé Fournier pour amuser mes petits neveux, et aussi d’imiter Damase Grégoire, votre mendiant fleuri, mais je n’ai pas le tour. Il faudra que je prenne quelques leçons de votre vieux garçon.

Votre Joseph Frenette, aussi, me plaît énormément. Vous avez bien fait de le placer auprès de moi, à table ; nous avons causé, tout de suite, comme de vieux amis. Si j’avais eu M. Leclerc pour voisin, la conversation aurait probablement langui. Comme vis-à-vis, il n’a pas été brillant : chaque fois que je le regardais, il baissait les yeux en rougissant. Par bonheur, ma modestie ne me permettait pas de croire que je pouvais être la cause de son trouble, quoique je la fusse en réalité, mais pas de la façon que j’aurais désiré l’être. Vous lui aviez demandé, gros’maman, de me faire faire une promenade en voiture, dans l’après-midi de Noël ; le pauvre garçon ne devait pas être à son aise en pensant à la corvée qui l’attendait. Si vous m’aviez mise au courant de votre programme d’amusement, je vous aurais priée, peut-être hypocritement, d’en biffer cette partie ; ou, du moins, j’aurais dit à ce timide jeune homme que je ne voulais pas lui causer ce dérangement ou cet ennui. Mais je suppose que, pour vous faire plaisir, il aurait insisté ; je me serais laissé persuader et nous n’en aurions pas moins été le point de mire des curieux et curieuses du village. J’imagine que, parmi les jeunes filles qui nous ont vus passer, il devait s’en trouver une au moins, sinon plusieurs, qui aurait voulu être à ma place. Il me paraît impossible que

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