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Canadiennes d’hier

ce joli garçon ne fasse pas battre bien des cœurs féminins. Cependant, il est évident que vous ne lui connaissez aucun attachement sérieux ; autrement, vous n’auriez pas risqué, ou de lui attirer des ennuis, ou de faire pleurer de jeunes yeux, ou encore de faire arracher les miens, en nous offrant ensemble à l’attention publique. Je vous le dis à l’oreille, chère gros’maman, vous avez été imprudente. Je ne vous le reproche pas, je vous en remercie.

Votre Jean, j’ai pensé à lui souvent depuis le dimanche, 11 août dernier. Ce jour-là, non seulement sa voix m’a émue profondément mais encore, j’ai été frappée de sa beauté. J’ai admiré sa haute taille, sa carrure, son beau nez droit, — c’est si rare un vrai beau nez, — ses dents éclatantes de jeunesse saine, et je n’avais pas vu ses yeux. J’aurais été déçue s’ils avaient été de la couleur des miens. Heureusement, ils sont bleus « nuit d’hiver » et il rabat par-dessus des paupières aux longs cils qui ne font pas pitié. Le sourire est rare… entendez le mot dans ses deux sens.

Chère gros’maman, je ne vous ai pas tout dit. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir écrit et parlé. Quelle prolixité ! Je vous conterai, dans une quinzaine, un petit accident de notre promenade du jour de Noël. C’est un peu long et j’ai déjà bavardé longtemps. Tant que les jeunes Berti seront à Québec, je serai souvent dérangée. Nous recevons leur visite plusieurs fois par jour. Grand-papa, tante Sylvie et la bonne Cati sont au service de ces jeunes sportifs. Le vestibule est encombré de

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