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Canadiennes d’hier

voyais pourtant pour la première fois. La pointe de la Rivière-Ouelle qui paraît enjamber le fleuve et ferme l’horizon à l’est, le Pilier, File aux Coudres, m’ont été signalés par un gamin qui, à quelque distance, s’amusait à faire des ricochets en sifflant éperdument et s’est approché à point pour me les nommer ; mais il me semblait les avoir toujours connus !

Je n’ai pas demandé le nom du petit siffleur aux yeux brillants qui m’a fait les honneurs de votre « bas-de-la-côte », je l’ai pris pour le génie du lieu. Il m’a dit : « Venez par ici. Mam’zelle. regardez la belle chaloupe à M. Legros, là sur le sable, c’est lui qui l’a faite… tout seul, vous savez ; il pourrait aller avec jusqu’en Angleterre, s’il voulait. » Il m’a initiée aux mystères de la pêche à l’anguille, expliqué comment il faut tendre les claies et placer les coffres, qu’il me montrait du doigt, pour prendre beaucoup de poisson. Puis, il s’est retourné et m’a fait remarquer, aux pentes de la falaise, l’heureux contraste des minces bouleaux aux troncs blancs et veloutés, au léger feuillage vert pâle, avec les tilleuls aux larges feuilles sombres qui les avoisinent. Il a attiré mon attention sur les tentations de gourmandise offertes par les groseilliers sauvages, les framboisiers et les noisetiers. Il m’a désigné, d’un geste sinueux, les étroits sentiers rouges taillés dans le tuf, puis il m’a menée voir au pied de l’un d’eux — celui-là même qu’on peut gravir le plus facilement et qui conduit presque directement à votre verger — une petite source cachée dans les fougères, qui détache

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