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Canadiennes d’hier

rale. Je tiens à vous dire, toutefois, que ce sont propos en l’air et qu’ils n’iront pas plus loin.

Les compères ont fait semblant de croire que votre petite aventure n’était pas due au hasard, que Jean l’avait préparée afin d’être le plus longtemps possible en votre compagnie.

Votre nom n’avait pas été prononcé, mais tout le monde pensait à la reine que vous auriez été à ma table, ce jour-là, et à la promenade mouvementée qui défrayait, depuis 15 jours, la conversation des gens de la paroisse. Joseph Frenette savourait sa bonne salade de fruits et semblait à cent lieues de toute autre préoccupation lorsqu’il parut soudainement frappé d’une idée. Il se mit à dire :

« J’y pense, là, Jean… ta pouliche, tu prétends être capable de la mener et ramener à volonté… dans ce cas-là, c’est ta faute si elle a enfilé l’allée au lieu de passer tout droit devant chez vous ».

Avant que notre petit gars, estomaqué, ait eu le temps d’avaler sa bouchée. Élie, à son tour, attaquait :

« Ton père badinait, aussi, quand il t’a conseillé d’atteler le vieux cheval ; il ne fallait pas le prendre au mot. Vous avez cinq chevaux à l’écurie, il était facile d’en trouver un qui a le pas un peu plus long. Ça t’aurait exempté de retourner chez vous à pied et de laisser Castor en pension chez le père Duvallon. Avoue donc que tu voulais prolonger ta promenade sentimentale au clair de lune ».

Et Joseph revenait à la charge :

« Tu fais bien de te pousser, Jean ; si j’avais tes

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