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Canadiennes d’hier

moyens, moi, je n’céderais pas ma place à d autres ».

Et mon Élie, le bout du nez frétillant, renchérissait :

« Ce que tu as de mieux à faire, à présent, mon garçon, c’est de battre le fer pendant qu’il est chaud ; monte à Québec faire la grand’demande ».

Impitoyable, Joseph ajoutait d une voix suave :

« Tu as justement besoin de quelqu’un pour aider ta tante à traire les vaches… »

Je leur faisais signe de se taire, de ne pas insister, mais vainement : ils étaient lancés. Notre Jean, une légère rougeur aux tempes, avait souri au début : mais, à la fin, il était sérieux comme un pape. J’étais fatiguée, mécontente ; la dernière bouchée dans le bec. j’ai levé la séance pendant que mes deux haïssables tiraient le bouquet en s’écriant allegro vivace :

— On ira danser à ses noces, pas ? Joseph.

— On ira si on est invité.

— Si on n’est pas invité, on ira en survenants.

J’ai emmené Jean dans la grande salle, avant la fin de la dernière fusée. Ils ont eu toute liberté de se réjouir, tout en fumant, du succès de leur petite comédie.

J’ai demandé pardon à mon jeune ami de lui avoir attiré. — bien involontairement. Seigneur ! — ces propos déplacés. Il ma répondu gentiment :

« Il n’y a pas d’offense, madame. Soyez tranquille, je peux endurer les plaisanteries plus ou moins bien intentionnées de mes amis sans sortit de mon caractère. Ils auraient voulu être à ma pla-

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