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CHARLOT S’AMUSE

surprises d’enfant, devant les Vosges, n’étaient rien auprès de celles qui l’hébétaient en face de cette mer, et surtout de ses navires. Il avait une affection ravie pour les cuirassés de l’escadre, et généralement pour toute embarcation. Même il s’y mêlait un respect confus, qui naissait de ses craintes. Les premières fois, il n’avait point osé se baigner, et il avait, de bonne foi, admiré les canotiers du régiment, quand il les avait vus, semblables à des matelots, courbés sur leurs avirons, et faisant voler la baleinière du colonel, ou allant, avec leur grand canot, chercher le pain du régiment à l’Arsenal. Ses deux amis, deux braves paysans qui n’avaient jamais d’argent, l’accompagnaient et partageaient ses étonnements naïfs.

Les réservistes arrivèrent, mais il était acclimaté maintenant et il ne souffrit pas des grandes marches. Il était heureux, au contraire, de partir à l’aube, le pain bouclé sur le sac, le pantalon rentré dans les guêtres, et de gagner les champs dans la prime fraîcheur du matin. Il était du premier bataillon, derrière la musique, et il retrouvait ses joies de gamin à entendre les ronflements de la grosse caisse et les borborygmes des trombones. Le « dzim, boum, boum ! » du départ lui faisait sauter le cœur. Il allait, marquant le pas, dodelinant de