Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
225
CHARLOT S’AMUSE

sommeil à son aide, se récitant des pages de théorie et d’anciennes leçons apprises par cœur au collège, forçant son esprit à une gymnastique de mnémotechnie pour reconstituer l’emploi détaillé de sa journée, ou bien comptant mentalement de 1 à 1,000, et voulant à tout prix chasser les troublantes pensées, s’endormir. Une céphalalgie enserrait son crâne d’une fiévreuse cuisson. Enfin, il ferma les yeux.

Le lendemain, la tête lourde, il se leva le dernier. Une paresse le tint longtemps cloué sur son banc, le nez sur un registre, le regard perdu. Il alla se laver seulement à neuf heures. Pressés par l’approche de l’appel, les troupiers se battaient pour arriver aux lavabos dans la cour ; il dut attendre. Mais à voir les torses nus des camarades, les chairs blanches et vigoureuses qui luisaient sous le pis des robinets, il revint à ses rêves, et remonta la bouche sèche, l’œil noyé. Aussi bien, pourquoi résistait-il davantage ? Depuis trois mois, il s’était refait ; ce n’étaient pas deux défaillances en vingt-quatre heures, avec les économies qu’il avait réalisées, qui le remettraient à bas, comme à Saint-Dié. Il se hâta de s’enfermer, profitant de la solitude que l’appel et le défilé de la garde mettaient dans les chambres. Et, dès lors, ce fut fini.