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CHARLOT S’AMUSE

promenade des astres, était d’un agacement endormant et doux.

Charlot y cédait une minute et ce court abandon de sa volonté suffisait. Quand il relevait la tête, il ne songeait plus qu’à s’associer à cette poésie nocturne que son éducation sentimentale l’invitait à goûter. Redevenant le petit détraqué, il écoutait parler sa névrose, car la douceur des crises méditerranéennes, si elle rafraîchissait son front de ses senteurs alcalines, réveillait en même temps ses ignobles désirs. Nul ne le voyait : que la lune. Et, sous l’œil complaisant de « Phœbé », le factionnaire latiniste, l’œil alangui, et murmurant quelque classique distique, défaisait son caban et appuyait son fusil contre sa guérite. Nul ne le voyait. Dans une hébétude radieuse, il consommait son immonde sacrifice, avec un bonheur qu’il n’éprouvait que là, comme s’il avait possédé la nuit, la mer et la laiteuse clarté du ciel. Sa tendresse expirante courait sur les flots. Il mendiait une caresse des choses, et pâle, palpitant, il lui semblait que sa cervelle se fondait peu à peu, dans une fuite délicieusement lente.

Les réveils étaient terribles. Quand on relevait le poste, il ne pouvait qu’à grand peine suivre à la caserne ses camarades.