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CHARLOT S’AMUSE

Ceux-ci le surprirent un jour, en faction, et l’accablèrent de quolibets. L’histoire fît le tour du régiment, et la soldatesque sen amusa fort. Charlot, qui jadis serait mort de honte sous de pareilles railleries, le prit philosophiquement. Lorsque, le matin, son camarade de lit le voyant se lever péniblement, les reins cassés, les jambes molles et les yeux cernés, lui criait : « Il a plu cette nuit ? », il répondait avec un sourire indifférent.

Cependant peu à peu son état s’aggravait : ses chefs s’inquiétèrent. L’un d’eux, son lieutenant, crut trouver un remède : au lieu d’envoyer le misérable à la visite, il le recommanda à deux troupiers et lui remit quelque argent. Le soir même, Charlot, entraîné par ses compagnons, pénétrait dans le Chapeau-Rouge, qui est à Toulon le quartier des filles.

À la première prostituée qu’il avait vue, dépoitraillée et cynique, au seuil d’un bouge, le jeune homme avait voulu rebrousser chemin ; mais les deux soldats le retinrent par les bras et lui firent parcourir, ruelle par ruelle, le faubourg entier. Charlot était écœuré, ses répugnances croissaient à chaque pas, et toute son horreur maladive de la femelle se réveillait, plus violemment, comme justifiée cette fois par les tableaux de débauche ignoble qu’il découvrait