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son atelier a un cachet qui le fait reconnaître entre mille.

Il y a des reliures anciennes, d’ouvriers inconnus, qui sont de vrais chefs-d’œuvre. Mais aujourd’hui, en province, la plupart des relieurs ne sont que de vulgaires manœuvres[1]. Beaucoup de bibliothécaires et de soi-disant amateurs font preuve du goût le plus dépravé, en faisant habiller à la moderne des livres naguères revêtus de précieuses reliures originales. Ces gens-là traitent les livres comme certains propriétaires traitent leurs maisons ou leurs châteaux, en faisant couvrir de plâtre des façades curieusement historiées, ou en abattant des tourelles féodales ou de beaux toits surélevés. L’art de restaurer une ancienne reliure est trop peu connu. Cependant les reliures exécutées pour des amateurs fameux, tels que Grolier, le comte d’Hoym, Longepierre, Mme de Pompadour, atteignent aujourd’hui, dans les ventes, des prix exorbitants. En présence de cette recherche, que dire du vandalisme indifférent de certaines villes qui, précisément, mettent au rebut les livres les plus précieux par l’illustration de leur origine ? Dans une ville que je pourrais citer, la municipalité a laissé pourrir de rares volumes à reliures italiennes en vélin blanc, où brillaient les armoiries du célèbre cardinal Du Perron, évêque d’Évreux. À Louviers, il y a quelques années, on vendit les doubles, discrètement, afin d’éviter les formalités ; et les exemplaires que l’on préféra garder pour la bibliothèque de la ville, furent précisément ceux dont la reliure était

  1. On cite à Rouen les reliures de Cassassus. Gabriel Peignot a vanté, dans ses écrits bibliographiques, les reliures de Noël, de Besancon. Maistre, à Dijon, est un relieur habile.