Page:Borel - Champavert, 1833.djvu/408

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terne de la mort. Tes plumes sont encore engluées aux moribondes illusions, qu’ensemble nous avions poignardées une à une ; je te croyais faucon décillé et prêt à prendre ton vol vers le néant, mais le monde te chaperonne encore. Tu attends peut-être une paix, un repos, au bout de la carrière ! Ce qui te manque en ta jeunesse, tu espères le voir s’abattre sur toi en la décrépitude ? tu ne peux croire que l’existence ne soit que cela, ne soit que ce que tu connais : si ce n’est que cela, te dis-tu, s’il n’y avait pas quelque époque de béatitude, quelque saison de pure joie, qui venge de tout l’opprobre, comment tant d’hommes auraient-ils traîné leur carapace jusqu’au bout ? comment auraient-ils consenti à végéter toujours et misérablement, à patrouiller, jusqu’à extinction, dans l’étang croupi de la société ? Comment ?… C’est que, comme toi, la foule espère ; comme toi, elle se croit toujours sur le point d’atteindre son rêve évanoui, son fol désir ; c’est que, pareil au chat qui veut saisir ce qui passe au fond du miroir, à l’instant où radieux il se jette sur sa proie, sur son ombre, ses griffes ne font que heurter et grincer la glace ; stupéfait, mais non pas éclairé,