Page:Borel - Madame Putiphar, 1877.djvu/36

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Ses fêtes, ses chevaux, ses banquets somptueux,
Où le simple est abject, les malheureux infâmes
Où qui jouit le plus — est le plus vertueux !
Le monde et ses cités vastes, resplendissantes,
Des pays d’Orient, ses bricks aventuriers,
Ses réputations partout retentissantes,
Ses héros immortels, ses triomphants guerriers,
Ses poètes, vrais dieux, dont, toutes enivrées,
Les tribus baisent l’œuvre épars sur leurs chemins,
Ses temples, ses palais, ses royautés dorées,
Ses grincemens, ses bruits de pas, de voix, de mains !
C’est le monde ! Il me dit : Viens avec moi, jeune homme,
Prends confiance en moi, j’emplirai tes désirs ;
Oui quels que grands qu’ils soient je t’en paierai la somme !
De la gloire en veux-tu ?… J’en donne !… Des plaisirs ?…
J’en tue — et t’en tuerai !… Ces femmes admirables
Dont l’aspect seul rend fou, tu les posséderas,
Et sur leurs corps lascifs, les passions durables
Comme sur un caillou tu les aiguiseras !

Le second combattant, celui dont l’attitude
Est grave, et l’air bénin, dont la componction
A rembruni la face : or c’est la Solitude,
Le désert. — C’est le cloître où la dilection
Du Seigneur tombe à flots, où la douce rosée
Du calme, du silence, édulcore le fiel,
Où l’âme de lumière est sans cesse arrosée ;
Montagne où le Chrétien s’abouche avec le Ciel !
C’est le cloître ! Il me dit : - Monte chez moi, jeune homme ;
Prends confiance en moi, quitte un monde menteur