Page:Borel - Madame Putiphar, 1877.djvu/38

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Niveleur éternel, implacable faucheur,
C’est la Mort ! le Néant !… D’une voix souterraine
Il m’appelle sans cesse : Enfant, descends chez moi,
Enfant, plonge en mon sein, car la douleur est reine
De la terre maudite, et l’opprobre en est roi !
Viens, redescends chez moi, viens, replonge en la fange,
Chrysalide éphémère, ombre, velléité !
Viens plus tôt que plus tard, sans oubli je vendange
Un à un les raisins du cep Humanité.
Avant que le pilon pesant de la souffrance
T’ait trituré le cœur, souffle sur ton flambeau,
Notre-Dame de Liesse et de la Délivrance,
C’est la mort ! Chanaan promis, c’est le tombeau !
Qu’attends-tu ? — Que veux-tu ?… Ne crois pas au langage
Du cloître suborneur, non, plutôt, crois au mien ;
Tu ne sais pas, enfant, combien le cloître engage !
Il promet le repos : ce n’est qu’un bohémien
Qui ment, qui vous engeôle, et vous met dans sa nasse !
L’homme y demeure en proie à ses obsessions.
Sous le vent du désert il n’est pas de bonace ;
Il attise à loisir le feu des passions.
Au cloître, écoute-moi, tu n’es pas plus idoine
Qu’au monde ; crains ses airs de repos mensongers,
Crains les satyriasis affreux de Saint-Antoine ;
Crains les tentations, les remords, les dangers,
Les assauts de la chair et les chutes de l’âme.
Sous le vent du désert tes désirs flamberont ;
La solitude étreint, torture, brise, enflamme ;
Dans des maux inouïs tes sens retomberont ! —
Il n’est de bonheur vrai, de repos qu’en la fosse :