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Page:Bornier - Œuvres choisies, 1913.djvu/233

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Le droit de la défendre, ici, devant chacun :
Le coupable, en effet, c’est moi, s’il en est un.

(Montant sur le rocher.)

Peuple, je suis chrétien. Ce nom que l’on outrage,
Je le réclame, et c’est ma gloire et mon courage.
Pour ceux qui me voudraient voir sanglant et broyé
Je ne sens dans mon cœur qu’une tendre pitié ;
Oui, rabbin Elymas, toi dont la bouche est pleine
De haine contre moi, je ne hais pas ta haine ;
Je me suis reconnu tandis que tu parlais,
Car le temps n’est pas loin où je te ressemblais !
Sois donc le Pardonné ! Tu regardes, sans doute,
Rabbin, s’il est assez de pierres sur la route
Pour m’écraser… J’étais ainsi, j’ai fait cela,
J’ai trempé dans le sang ces deux mains que voilà,
Condamnant et frappant sans choix et sans scrupule,
Car le plus furieux n’est que le plus crédule ;
N’écoutant ni raisons, ni pleurs, ni repentirs,
Et faisant des chrétiens en faisant des martyrs !
Un jour (je ne veux pas, car tout rire s’expie,
En exposer l’histoire à quelque rire impie),
Un jour Dieu m’éclaira. L’ennemi, l’oppresseur,
Le bourreau des chrétiens devint leur défenseur.
Ce qu’il a fait pour moi, pour vous Dieu peut le faire,
Il touchera votre âme aux heures qu’il préfère ;
C’est sa force, sa gloire et son secret à lui,
Ma parole y serait impuissante aujourd’hui,
Et je veux seulement, à la face des hommes,
Dire : on nous connaît mal ; voici ce que nous sommes !

ELYMAS, aux Juifs.

Allons… les pierres !

LE JUIF

Non ; écoutons plus longtemps.

ELYMAS

Paul, tu veux donc changer la loi, si je t’entends ?
Moi, je dis que la loi, contenant tout en elle,