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CHAPITRE XXIV.

lui à coups de piques et de bâtons, jusqu’à ce que mort s’ensuivît[1].

Les habitants de Bouteilles, en consacrant la mémoire de ce miracle par une sculpture ornementale de leur église, voulurent mettre en évidence cette consolante maxime : Que la Providence est douce aux petits, et qu’elle sourit à l’effort des humbles.


la tour du dible.


La tour orientale du château de Tancarville, après avoir été appelée la Tour du Lion, changea ce noble surnom en celui de Tour du Diable. Cette tour avait long-temps servi de prison, et, à cause des souvenirs qui la peuplaient, elle était en assez mauvaise renommée pour être digne, en effet, de fixer le choix d’un hôte infernal. Cependant, les habitants des environs s’étant aperçus du funeste voisinage qui leur était échu, allèrent, troublés et mécontents, trouver leur pasteur, et le supplièrent de faire quelque tentative pour déloger l’ennemi commun. À un jour donné, il fut convenu qu’on se réunirait en procession, croix et bannière en tête, et qu’on marcherait ainsi droit au diable, et tout prêts à lui livrer bataille s’il refusait d’obtempérer aux pacifiques sommations que le curé s’était chargé de lui adresser. La pieuse armée témoigna d’abord un zèle fort louable à se mettre en route ; mais, arrivée au seuil de la demeure maudite, elle hésite, recule et se disperse à travers champs. Cependant le pasteur, malgré la défection de son troupeau, pénètre dans l’enceinte de la tour. Ce qui se passa, dans son entrevue avec l’ennemi, nous ne saurions le raconter ; seulement, quelques fuyards, qui reprirent assez de courage pour revenir sur leurs pas, assurèrent avoir vu, après quelques instants d’attente, leur curé sortir du lieu redoutable, brave et triomphant comme saint

  1. E. d’Anglemont, Légendes françaises, poésies.