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tantôt devant elle un livre et tantôt son métier à tapisserie. Il lui racontait alors ce qu’il avait fait, ce qu’il avait vu, ce qu’il avait appris, les entretiens qu’il avait eus. Elle écoutait avec une attention enthousiaste, facile à expliquer, puisqu’il s’agissait de choses intéressantes par elles-mêmes. Cependant lorsque, abandonnant ces matières sérieuses, Félicien et Cécile ne se confiaient plus que ces pensées voltigeantes qui traversent l’esprit aux heures de fantaisie et de quiétude, chacune de leurs paroles, tour à tour énoncées et recueillies, ne leur en causait pas moins un plaisir d’une vivacité âpre et enivrante. Rien ne leur était indifférent de ce qu’ils se disaient l’un à l’autre ; le mot le plus simple les frappait et les pénétrait, et il s’en dégageait un sens profond qui tenait leur âme suspendue.

Ce phénomène, qui semble un des préliminaires de l’amour, n’est pas toujours décisif. Il est certain que les êtres entre lesquels il se produit s’aiment déjà ; mais ils n’y songeront peut-être pas si des obstacles les séparent : c’est une jouissance rapide du présent qui n’engage pas l’avenir.

Félicien avait une idée nette de ce qui se