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— N’est-ce pas que le beau temps ne nous est jamais indifférent ? reprit Félicien. Quelquefois il nous traite en ennemi, il irrite notre chagrin, en lui ôtant un voile nuageux qui l’adoucissait ; ou bien il froisse notre susceptibilité, en dissipant toutes sortes de mystérieuses mélancolies du cœur et en forçant nos sentiments à prendre des formes plus arrêtées. Mais souvent, ainsi que vous l’avez dit, il nous apporte une joie irrésistible ; on semble posséder par anticipation un bonheur inconnu.

Cécile se rappelait que quand Félicien avait prononcé ces paroles, elle s’était sentie tressaillir, s’était repliée sur elle-même et avait baissé les yeux. Peut-être, poursuivie aussi par l’un de ces indiscrets rayons qui violent les mystères de l’âme, essayait-elle de lui échapper.

Dans une certaine disposition d’esprit et de cœur, à la fois retenue et brûlante, on se plaît dans cet échange de pensées vagues qui permettent tout parce qu’elles ne précisent rien. Cependant Cécile et Félicien abordèrent un jour plus franchement les personnalités. Ce fut madame de Nerville qui, à son insu, les entraîna sur ce terrain, où les piéges sont plus visibles, mais plus profonds.