Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/104

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Elle s’était trouvée seule, par hasard, avec Félicien, et le nom d’Alphonse Morand était tombé dans la conversation :

— Notre ami est épris de Cécile, dit-elle avec un singulier laisser-aller.

— Ne voyez-vous pas à cela quelque motif d’inquiétude ? répliqua Félicien.

— Oh ! j’ai bien observé Cécile, je l’observe tous les jours : elle ne l’aime pas ; elle ne l’aimera jamais.

— Il faut alors écarter Alphonse ; il serait malheureux.

— Allons donc ! quel souci ! Je vous avoue que ma commisération pour l’espèce masculine ne va pas jusqu’à m’en préoccuper.

— Quel avantage trouvez-vous à exposer mon ami aux tourments d’un amour sans espoir ?

— D’abord, il s’expose tout seul, je n’y suis pour rien, répondit madame de Nerville, qui semblait prendre plaisir à affecter avec Félicien un dédaigneux cynisme. Puis il n’y a pas de plus mauvais conseiller que l’ennui pour une jeune et jolie femme. Cécile n’aime pas M. Morand, mais il lui est utile, parce qu’il l’empêche de s’ennuyer.