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qualités séduisantes. Pourtant elle n’abusait pas du don de l’éloquence qu’elle savait posséder : elle était sobre de paroles ; mais elle avait toujours le mot juste du sentiment ou de la passion qu’elle voulait atteindre, parce qu’elle comprenait toutes les grandeurs, toutes les délicatesses et toutes les perversités.

Madame de Nerville avait encore un avantage. Quoique ayant été élevée en province, où elle avait passé aussi la plus grande partie de sa vie, elle n’était d’aucun pays ; elle était du monde. Voici par quelles heureuses circonstances elle avait acquis ce privilége.

Son père, notaire à Rouen, à l’époque où cette profession, consacrée par un renom inaltérable de probité, constituait la plus haute distinction bourgeoise, s’était trouvé par la nature de ses fonctions en rapport avec toute l’aristocratie territoriale du pays. Cette aristocratie se composait en grande partie de l’ancienne noblesse, qui n’était point encore affaiblie par le puissant contre-poids que devait un jour lui opposer l’industrie et ses millions. L’ennemi grandissait. En attendant une déchéance prochaine, on vivait avec éclat, on courait les grands chemins, on visitait tous les