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lieux que patronnait la mode, on brillait à l’armée, on prospérait à la cour, on se mariait dans toute la France, on rayonnait dans toute l’Europe. Partout on offrait le spectacle de femmes distinguées, d’hommes charmants, ni Parisiens ni provinciaux, mais Français avec toutes les significations gracieuses du mot.

Mathilde, — c’était le nom dont on appelait alors madame de Nerville, — avait été l’enfant d’adoption de ce monde d’élite, qui l’avait initiée à toutes ses traditions élégantes et chevaleresques, réputées incommunicables. L’âme, le cœur, l’esprit de la jeune fille s’étaient promptement formés à ces délicatesses de la grâce et du sentiment, en même temps que son imagination se surexcitait dans une exaltation à la fois hautaine et généreuse. Mais ce développement raffiné de son être, qui n’avait point été le fruit d’une éducation sérieuse, amena avec lui des germes de corruption, peut-être parce qu’il avait été trop hâtif ou parce qu’il s’était produit au milieu des enivrantes surprises de la vanité et des premiers troubles de l’amour.

À peine âgée de dix-huit ans, Mathilde s’était mariée à un jeune négociant de Rouen, dont