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chronismes. Mais que serait-elle devenue, bon Dieu ! si on l’eût entreprise sur le dogme ? Quelle confusion d’hérésies, plus incohérente que celle des langues dans la tour de Babel ! Son ignorance était si naïve qu’elle prenait la Bible pour un livre de piété. Elle en avait une, solidement reliée en chagrin, qu’elle laissait traîner sur ses meubles pour s’en faire honneur auprès de ses connaissances dévotes, précaution qui arrivait simplement à lui donner un air de protestantisme plus équivoque que puritain : on la prenait pour une adepte des sectes libres.

La plus vénielle de ces erreurs ne pouvait échapper à Adrienne, scrupuleuse comme un pharisien sur l’observance et la lettre de la loi ; mais la condescendance de madame de Nerville pour ses idées l’éblouissait ; elle n’en apercevait pas la malice ; elle lui supposait une bonne volonté qui suppléait à tout. En un mot, elle se laissait prendre aux enchantements du faux prophète : la peau de brebis lui déguisait le loup dévorant, et le blanchiment du sépulcre lui apparaissait comme une robe d’innocence.

Afin de ne pas décourager cette singulière néophyte, Adrienne lui faisait des concessions