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son mari le secret de ses impressions de lecture : car elle craignait sa critique et ne voulait point aggraver leurs dissentiments. Mais l’orgueil de son insuffisance la tourmentait. Elle se prenait malgré elle à taquiner Félicien. Comment pouvait-il se plaire à relire sans cesse ses vieux auteurs ? — Je juge, disait-elle, des Grecs et des Latins par les Français… C’était certainement un engouement d’habitude… Des écrivains si éloignés de nous, même par le langage !

— Il est possible qu’ils ne soient pas de notre temps ; mais, moi, je suis du leur, répondit Félicien.

— Pourquoi donc me sont-ils étrangers ?

— Ils sont païens. Tu n’as jamais été païenne, toi.

L’esprit d’Adrienne n’admettait pas un grand nombre d’idées ; mais il s’acharnait à celles qu’il avait perçues, et certains mots la frappaient plus que de longs raisonnements. La réplique de son mari : « Tu n’as jamais été païenne, » fut de ce nombre.

Quoiqu’elle eût espéré de madame de Nerville une sympathie plus sérieuse, elle lui continua ses confidences. Les opinions de sa nouvelle amie lui servaient de pierre de touche