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férente de la sienne ; ma mère, avec une vigilance infatigable, a écarté de moi tout ce qui pouvait ternir mon imagination. Jamais aucun livre dont il s’est nourri n’eût paru assez pur pour m’être communiqué. Le peu que l’on était obligé de me faire connaître dans cet ordre d’idées m’était présenté sous des déguisements heureux, qui ajoutaient un voile de plus au bandeau de l’innocence. Quelle récompense de tant d’efforts ? On ne cherchait qu’à me rendre plus digne de son amour, et, si on le consultait sur le résultat, il répondrait sans doute qu’on n’a travaillé qu’à l’amoindrissement de mon être. Je lui ai entendu dire, à propos d’éducations comme la mienne : « C’est une dépense de précautions bien superflue, car elle ne profite qu’à celles qui n’en ont pas besoin. Pour les autres, la nature défait en un instant toutes les entraves dressées par l’habileté maternelle. » Et il ajoutait : « À une innocence si laborieuse, je préfère une vertu naturelle et clairvoyante. » Il aurait dû épouser une veuve ! »

Comme toujours, la lettre d’Adrienne passa sous les yeux de Cécile. Elle la lisait et la reli-