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sait avec cette soif meurtrière qui se plaît à savourer le poison. Que de dangers pour une femme lorsqu’elle attache sa pensée à un homme ! l’amour a mille moyens de lui tendre des pièges. La curiosité, la défiance, la peur même sont des amorces ! Cécile prévoyait que les vagues soupçons qu’Adrienne faisait planer sur la délicatesse de Félicien devaient se dissiper à un examen sérieux. Mais, pour le défendre, il aurait fallu mieux le connaître. Plus que jamais, elle fut inquiète, agitée ; elle aurait voulu plonger dans son âme ; car ce qui est suspect, étrange, mauvais peut-être, n’écarte pas l’amour quand il croit y deviner de nouvelles formes de passion.

Les lettres d’Adrienne se succédaient. Avant que madame de Nerville eût eu le temps de répondre, elle reçut encore de longues pages, toutes pleines cette fois de larmes et de gonflements de cœur :

« Rien n’est possible pour le bonheur et l’union, madame, entre Félicien et moi ! Vous rappelez-vous que, dans une des bonnes conversations que nous avons eues ensemble, et qui sont restées gravées dans ma mémoire, vous