Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/149

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me disiez : « La communauté des plaisirs est un lien. » Eh bien ! non-seulement nous ne pouvons nous entendre, mon mari et moi, sur aucun genre de distractions, mais il vient de m’être prouvé, dans une circonstance grave, que l’incompatibilité de nos opinions nous empêchera d’accomplir aucun de ces devoirs de société dont l’enchaînement est l’occupation et le charme de la vie.

« Vous ne vous doutez pas, j’en suis persuadée, madame, de l’existence que je mène. Vous vous imaginez que deux époux jeunes, jouissant de la considération publique, riches, et d’un naturel hospitalier, ayant un domestique assez nombreux pour n’éprouver nul embarras de réception, ont toute la journée leur maison remplie de monde. Que vous êtes dans l’erreur ! Je n’ai pu encore offrir un dîner à mes anciennes connaissances, pas même une tasse de thé et un gâteau. Sauf les dimanches chez ma mère, nous vivons dans un isolement complet. Une sordide lésinerie ne nous ferait pas un intérieur plus froid, plus solitaire. Toutes les jolies élégances que mon mari avait rassemblées dans notre ameublement ne nous servent de rien. Je me tiens toute la journée