Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/174

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mal, en effet, quand on ne présenterait jamais à des jeunes femmes que des tableaux voilés du monde, la vérité dût-elle en être altérée. Est-ce un mérite pour un écrivain de désabuser l’innocence et la vertu ?

« Mais ce qui est bizarre et révoltant, c’est que mon mari prétend que ces livres choisis ne sont pas plus moraux que d’autres.

« — S’ils sont inoffensifs, dit-il, ce n’est pas parce qu’ils renferment une saine morale, c’est parce que tout y est effacé et déguisé. Si un procédé quelconque pouvait rendre visibles ces pâles empreintes du monde réel, on y verrait paraître ce qui fait le fond des autres romans : des épouses ennuyées rêvant l’adultère, des vieillards suborneurs, des amoureux trichant l’autorité paternelle pour subtiliser un peu d’amour.

« Je vous cite ces paroles, madame, pour vous montrer que, par une prévention ou une erreur inexplicable de son esprit, il voit toujours le mal où il n’est pas et ne veut jamais le voir où il est. Il prétend même que ce n’est que chez les nations protestantes : les Allemands, les Anglais, les Américains, que l’on sait écrire des livres pour les femmes et les enfants.