Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/182

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bandeaux plats. Elle était pâle, et avec l’expression plaintive de son visage, avec cette mise toute modeste et cette coiffure sans apprêt, elle avait un air de jeunesse qui séduisit Félicien.

La route se fit d’abord très-silencieusement ; M. Dautenay et madame de Nerville respectaient la triste méditation de leur compagne : de temps en temps seulement, Mathilde interrogeait Félicien sur un accident du paysage, sur le nom du château que l’on apercevait dans le lointain, sur celui de la petite rivière qui traversait la plaine, ou de la ville qui formait amphithéâtre sur le coteau. Cécile, placée en face d’eux, n’écoutait pas, ne parlait point : elle était morne, immobile ; elle se sentait isolée de tous par cet abîme profond qu’une pensée de mort creuse entre vous et ceux qui ont les préoccupations de la vie. Cependant, à travers son accablement, elle voyait Félicien : ces yeux doux et passionnés qu’elle aimait, cette haute stature, cette taille élégante et souple, un peu penchée. Une émotion tendre s’insinuait dans sa douleur. Ils parcouraient alors ces plaines monotones de la Champagne, où pas un mouvement de terrain ne distrait le regard,