Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/189

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plus facile et moins rare qu’on ne croit : il nous échappe d’un côté, mais il revient inopinément de l’autre. Cécile niait ces consolations ; elle s’attachait à sa désespérance : la vie lui apparaissait comme une immensité désolée ; elle défiait la joie de la surprendre jamais.

— Cette ardeur de désespoir, dit Félicien, ce n’est pas… ce ne peut être un regret ; c’est un amour qui souffre et qui attend.

Cécile, dans sa fierté, s’indigna d’avoir été devinée, et sans s’apercevoir qu’elle achevait de se trahir, elle prétendit que Félicien n’avait pas le droit de lui parler ainsi, de suspecter la sincérité de sa douleur.

— Pardonnez-moi, répliqua-t-il, vous avez raison : il vaut mieux nous taire sur ce sujet.

Leurs mains, qui se touchaient, se désunirent, et par un mouvement instinctif, ils s’écartèrent l’un de l’autre, se faisant la promesse tacite de ne point renouer l’entretien. Cécile demanda bientôt à retourner chez elle.

Félicien lui prit le bras et le passa sous le sien. C’était d’abord un contact vague qui l’effleurait à peine ; puis, peu à peu, il resserra cette étreinte si fortement qu’il semblait vouloir incruster ce bras dans sa poitrine.