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de la consacrer aux travaux qu’ils poursuivaient en commun. De neuf heures du matin à six heures du soir, ils ne sortaient point du laboratoire. Mais, quand le moment de la séparation arrivait, il en coûtait beaucoup à Félicien de renvoyer le triste célibataire dîner seul à sa maigre cuisine. Il prit donc l’habitude de partager, un dimanche sur deux, son repas avec lui.

Madame Milbert et son cercle trouvèrent ce procédé fort injurieux pour Adrienne. Il est vrai que l’on eût pu tout arranger à la satisfaction générale, en envoyant une invitation au convive de Félicien, l’homme le plus inoffensif du monde et qui, malgré sa simplicité, était de bonne compagnie. Mais cette condescendance eût tellement forcé les antipathies et les rancunes de madame Milbert, qu’elle ne put s’y résoudre.

Ainsi, les blessures réciproques allaient toujours s’envenimant. Adrienne était passée à l’état de victime. Cependant on la savait trop fière pour accepter une compassion qui ne se fût pas manifestée sous les formes de l’admiration et du respect. C’est pourquoi les amies de sa mère s’ingéniaient à lui ménager de pe-