Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/203

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croire la lettre et à méconnaître l’esprit de cette poésie, elle ne put réussir à se tromper sur le sentiment qui l’avait dictée. L’étonnement la plongeait dans une profonde rêverie : c’était la première fois qu’elle entrevoyait la puissance universelle et irrésistible de l’amour, en croyant découvrir un fond de similitude entre les impressions du jeune poëte et celles de Félicien. Que la chute est facile à l’homme ! se disait-elle naïvement. La femme avait des devoirs plus sévères à remplir, et Dieu, dans sa bonté, l’a préservée du péril en la douant d’une organisation plus calme et plus pure.

Ce premier étonnement épuisé, son amour-propre savoura avidement ces éloges et ces adorations. Directs et personnels, ils dissipaient les doutes naissants qu’elle avait conçus sur elle-même. Ils avaient d’ailleurs un avantage d’à-propos qui en rendait le plaisir plus âpre, parce qu’il surmontait un nouveau déboire de la triste Adrienne. Le matin, avant la messe, elle avait eu avec Félicien une querelle qui lui paraissait l’humiliation la plus sensible qu’il lui eût jamais fait subir, et qui gonflait encore de son tumulte son pauvre cœur irrité. Et puis, tout à coup, voilà qu’une compensa-