Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/220

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entre ses mains. — Je ne l’ai point montré à mon mari, dit-elle, parce que M. Eusèbe Forbin est un des nôtres, et que je ne veux pas fournir à Félicien une nouvelle occasion de nous attaquer. Je laisse à votre prudence, ma mère, à décider ce qu’il convient de faire.

— Garder le silence !

Madame Milbert, capable de donner ce sage conseil, ne l’était point de le suivre. Armée de cette pièce démonstrative, l’hymne amoureux du jeune Eusèbe, elle n’eut plus qu’une préoccupation, celle de faire briller la vertu de sa fille aux yeux des intéressés. Elle alla voir d’abord madame Forbin. Ces dames tinrent ensemble une longue consultation qui les entraîna à n’arriver à l’église qu’à l’heure des complies.

Elles décidèrent qu’il était urgent, par une punition sévère, au moins en apparence, de venger la vertu d’Adrienne et de réprimer les passions naissantes du jeune homme. Elles ne pouvaient s’empêcher d’admirer, cependant, son éloquence nourrie de toutes les fleurs de cette pieuse rhétorique qui a inventé un langage impossible, dont la lascive chasteté engourdit la conscience, tout en caressant l’imagination et les sens.