Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/259

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peine à réprimer un mécontentement passager, et généralement Cécile inspirait une légère défiance, prélude du soupçon.

Trop habitué à s’observer lui-même pour se laisser surprendre par un entraînement involontaire, Félicien se complaisait cependant à recueillir les témoignages dangereux du sentiment qu’il inspirait. L’abattement mélancolique de Cécile reparaissait souvent avec son cortége de souffrances. Quand il contemplait sa langueur, quand il la voyait sans cesse absorber autour de lui l’amour qui la tuait, il était envahi par une joie aux incitations cruelles, qui atteignait les replis les plus profonds de son égoïsme. Comme il était vengé des froideurs d’Adrienne ! Il se sentait les barbaries du conquérant avec les tendresses du père et les convoitises de l’avare qui ne veut ni toucher à son trésor ni le céder.

Qu’on lui disputât cependant cette possession secrète de l’amour de Cécile, qu’un obstacle vînt troubler la sécurité de ce bonheur incomplet, mais d’une si vive intensité, et sa passion concentrée, forcée pour se défendre de se manifester dans l’action, manifesterait toute sa puissance.